Un lampadaire extraordinaire

- Mr le Maire ! Mr le Maire ! Le lampadaire, celui devant chez moi, vous savez celui qui est sur mon trottoir depuis l’an dernier que même vous vouliez me planter devant ma porte que j’aurais dû troquer mon auto contre un vélo ; eh bien ! Il est tout fleuri, il a des feuilles qui lui sont poussées partout. Je vous assure Mr le Maire, vous devez voir, il ne va pas bien du tout.

Mr le Maire est un grand Homme. Un autre que lui, aurait douté, aurait hésité
Mr le Maire est un homme de coeur. Mr le Maire et toute l’assemblée municipale tiennent conseil devant l’évènement.



- Je m’y connais, c’est un caprice, un enfantillage. Il nous fait une fantaisie, voilà tout !
- Mais Dame Yvette, reconnaissez que ce tableau est bucolique, charmant. Tenez ! Ça m’inspire ces vers…
- Sieur J.P vous êtes un poète nous le savons tous ; cependant mes amis, nous devons raisonner ce lampadaire sur le champ avant que la nouvelle ne se répande. Nous ne pourrions supporter que notre ville soit la risée de tout le canton, que dis-je de tout le département, …
- Je suis un homme de terrain, foin des beaux discours, je m’en reviens avec mes scies, je vais vous régler notre affaire en un tour de rabot. Foi de menuisier ! ajoute le premier adjoint se mouchant sur sa manche
- N’est-ce pas un peu cruel ? Après tout ce n’est pas sa faute s’il est atteint de la maladie printanière. Je le sens tout gêné, tout contrit de nous causer tant de peines. Regardez, le malheureux, ses feuilles en frissonnent.
- Vous avez raison ma chère Gigi, c’est psychosomatique, il nous fait une poussée de printemps. Ça se soigne, je m’y connais… mais le traitement peut être un peu long
- Nous pourrions le raser tout en douceur. En un rien de temps il n’y paraîtrait plus rien.
- Non, Michel ! Il faut que ce lampadaire accepte sa condition ou bien en tant que chargée de l’urbanisme, je ferai défoncer le trottoir, je ferai exploser ce vulgaire mobilier. Depuis tout à l’heure il me jette des regards torves. Il me déteste et je hais les fleurs et la nature, c’est malsain, c’est plein de pollen !
- Ma chère consoeur, n’en faites pas une affaire personnelle…Enfin, Mr le Maire que décidons-nous ?
- ça demande réflexion !... Madame, après tout il s’est installé sur votre trottoir. C’est à vous de le convaincre Vous le fréquentez déjà depuis un certain temps… Réfléchissez, je suis certain qu’il s’est déjà confié à vous.
- enfin… en même temps… ce n’est qu’un lampadaire ! Vous savez, il n’a guère de conversations. De vous à moi, il parait comme ça… mais ce n’est pas vraiment une lumière. Depuis qu’il fait le pied de grue devant ma porte nous n’avons échangé que quelques banalités des amabilités d’usage ; bonjour, bonsoir…
- Je le savais ! Vous faites la forte tête. Toujours à vous plaindre mais aucune initiative. Tous les mêmes, ces administrés !
- Je vais essayer Mr le Maire mais ce n’est vraiment pas gagné.
…
- ta vie de lampadaire est un peu terne… Les chiens, oui je sais… ah pas seulement eux ? … oui je comprends ce ne sont pas des manières. Mais qu’est-ce qui t’as pris ? Comme ça d’un coup !! Un coup de blues et ce matin une poussée de feuilles. C’est ton dernier mot, tu ne peux rien y faire, il faut te prendre comme tu es et patienter jusqu’à l’automne !... Non mais ! Tu en fais exprès ? T’as une branche qui vient encore de te pousser ; t’as bien failli me crever un œil !
…
- Mr le Maire ! Mr le Maire ! Le lampadaire, celui devant mon portail, vous savez celui qui a emménagé sur mon trottoir l’an dernier ; eh bien il a encore une branche qui vient de lui pousser. Je vous assure Mr le Maire, vous devez savoir, il n’y peut rien du tout à son état.

Mr le Maire est un Homme raisonnable. Un autre que lui se serait énervé, aurait tempêté, aurait hurlé. Mr le Maire est un homme contrarié mais Mr le Maire est un homme de coeur. Mr le Maire et toute l’assemblée municipale retiennent conseil devant le récalcitrant

- Mes chers amis, voilà nous devons nous rendre à l’évidence. Nous sommes impuissants ! C’est le printemps ! Personne ne peut lutter contre la Nature
- barrons la route dans les deux sens !
- vous dîtes des choses totalement insensées, Mr l’adjoint !
- camouflons le coupable derrière un bel ouvrage en béton
- tournons plutôt cette mésaventure à notre avantage ! Quelle commune, quel hameau, quel lieu-dit peut se vanter d’avoir des lampadaires qui fleurissent, je vous le demande ? Les touristes vont venir, je vais vous organiser un concours de lampadaires, de bancs et d’abris-bus fleuris. Ça fera fureur ! J’y pense pour l’occasion je vous ai composé quelques vers…
- Sieur J. P vous avez une furieuse bonne idée.
- …..
- Nous mourrons tous d’entendre votre composition mais…
- Pour commencer je décrète que désormais…

Et se balance un panonceau : « strictement interdit de montrer son zob sous peine d’amende »

- Mr Le Maire, Mr le Maire, c’est Dame Yvette ! Venez, venez voir… c’est une épidémie…
Ce printemps est un printemps bien particulier. Cette fois c’est grave, vraiment grave !
Dame Yvette s’est envolée au haut du platane là-bas ! J’ai bien essayé de la retenir ! Tenez voilà pour preuve une de ses chaussures… Depuis elle siffle des chansons d’amours. C’est-y pas triste, une femme si sérieuse. Je vous assure Mr le Maire, vous devez voir, elle ne va pas bien du tout.

Mr le Maire, Mr le Maire, votre figure est toute bizarre, Mr le Maire que vous arrive-t-il ? C’est le printemps, plus rien ne tourne rond

Je nous avions bien agrémenté ce texte de quelques dessins…
mais je ne puis point les envoyer sur votre site.

ann miserey mars 2009